Progrès
Abus de langage courant permettant à chacun de se rassure sur l'état de la société où il tente de vivre. Ainsi, on qualifie tout et n'importe quoi de progrès. Le progrès est une supposée réussite, alors qu'il se révèle bien plus souvent n'être qu'un changement possiblement néfaste à plus long ou moins brève échéance.
Nul n'est capable de lire l'avenir, et c'est là où toute réflexion devient délicate. En effet, même le plus froid des observateurs ne saura juger s'il y a un progrès qu'à l'aune de ses connaissances étriquées. Prenons le cas de la voiture: nous l'avons qualifiée de progrès social, de libératrice dans le domaine de la mobilité, pour ensuite la vilipender pour sa dangerosité évidente et la pollution de notre monde. Va-t-on alors jeter le bambin avec l'eau de son bain? La question peut se poser, car nous devons alors repenser notre mode de fonctionnement, et ça, par essence, la majorité sera réticente et fera de la résistance à outrance.
Nous courons après le progrès comme les gens de foi courent après la rédemption. A chaque fois qu'on pense avoir trouvé LE progrès ultime, nous constatons avec déception qu'il y aura forcément "autre chose" après. Nous ne progressons pas je pense, nous ne faisons qu'agir différemment. Qui dit progrès dit "faire mieux". Est-ce le cas? Après tout, chaque évolution de notre monde induit une dérive, des cas problématiques voire dramatiques. Le progrès des armes? Le progrès en science? Le progrès en médecine? Le progrès technologique? Il y a à redire pour tous ces sujets! Pour les armes, inutiles d'épiloguer, nous sommes parvenus à créer la manière ultime de nous anéantir; pour le progrès en science, il ne fait que révéler à quel point nous sommes ignares et que nous allons le demeurer à tout jamais. Le progrès en médecine? Même si je lui accorde une part de respect pour ma santé, force est de devoir admettre aussi ses travers comme la surconsommation de médicament, l'absorption massive d'anxiolytiques, et un acharnement thérapeutique devenu la norme. Et pour les technologies, que de nouvelles formes de pollutions nous avons réussi à mettre en oeuvre!
Je ne crois pas au progrès. Je crois au changement, aux évolutions qui peuvent être en bien et en mal. Les sociétés changent, évoluent, se remettent en question, se replient sur elles-mêmes le temps d'une crise identitaire et/ou politiques.
On m'objectera que l'évolution est un progrès. Je conteste. Notre société a changé sur bien des sujets, et dans le lot il y a ce que j'estime être des inepties que d'autres qualifient justement de "progrès". On a évolué avec les communications? Je trouve qu'on a régressé sur la communication individuelle et personnelle. Pire: le progrès technologique permettant l'instantanéité des échanges est devenu le terreau fertiles des paranoïaques, escrocs moraux et autres bonimenteurs.