Franchement je crois qu'il y a un nombre d'éléments bien plus élevé que ces deux seules considérations.
Personnellement je cumulerais
- La crise sanitaire a immobilisé des usines pendant des mois. Toute production s'anticipe! On ne lance pas une référence sans avoir adapté ses moyens... Donc là déjà il y a des risques non négligeables
- L'immobilisation des capitaux. Bien des investisseurs ont pratiqué un repli des fonds "au cas où". C'est notamment le cas sur les marchés boursiers où l'on se retient d'aller trop vite en besogne à cause de la crise. Pire: les marchés ayant des moyens ont tous pris une baisse des revenus de la clientèle... baisse induisant inévitablement une baisse de consommation sur certains périmètres. C'est impossible de généraliser (le succès de L'Iphone 12 dément apparemment cela), mais c'est à mon sens un peu plus concret sur des choses plus génériques. C'est ponctuel, mais pas innocent.
- Les retards volontaires de mise en vente liés aux volumes produits insuffisants.
- Les problématiques de développement. On a un paquet de reports de jeux, de versions de programmes, ceci faute directement ou indirectement à la crise. Le cinéma en pâtit dans une plus grande proportion: plein de films sont reportés à la diffusion, d'autres ont leur production/tournage ralenti voire interrompu!
- Le duel Chine/USA est avant tout une petite guerre d'ego pour Trump, et de pragmatisme pour la Chine. Soyons clairs: les USA ont torpillé certaines boites qui nous sont familières (le scandale Huawei), mais dans l'immense majorité des cas l'impact n'est pas aussi clair ni aussi immédiat. La Chine EST l'usine du monde, et même les choix de Trump n'ont pas changé cela. Est-ce que la Chine a réduit sa production pour riposter? Depuis quand un fournisseur fait l'idiot en diminuant sa capacité de production? Le seul marché où cela se fait c'est le marché de l'énergie. Pourquoi? Parce que ce n'est pas un marché aussi concurrentiel qu'on le croit. Là où un fondeur a des concurrents avec des usines, le pétrole, l'électricité, le gaz dépendent totalement de la capacité de production d'un nombre restreint d'acteurs. Par exemple, si la Russie coupe son robinet de gaz (comme elle l'a déjà fait avec la Pologne pour faire cracher au bassinet les impayés), il n'y a pas de solution de secours. Si un fabricant de Ram réduit sa production, d'autres peuvent "compenser" (s'ils ont de la capacité industrielle). Donc, si la Chine a tenté ce genre de coup, ce sera sur des produits manufacturés très particuliers, mais pas sur sa masse globale. Au surplus, la Chine dépend trop de sa clientèle pour lui tirer dans les pattes.
- On omet un peu facilement les choix des autres nations du monde dans l'équation. Plein de pays tentent, avec peu de succès mais quand même, de relocaliser leur production. La crise des masques a bien mis en exergue les problèmes induits par la délocalisation et la production low-cost. J'ignore si les gens ont fait attention à cette information, mais depuis que les masques jetables sont entrés dans les moeurs, ce ne sont pas les usines françaises qui se sont lancées dedans qui font du fric. La plupart ont du stock ... parce qu'ils sont autrement plus chers que les masques chinois (je n'entre pas dans les débats de qualité... ça n'est pas le propos). Cependant, bien des pays envisagent sérieusement de réduire tant que possible leur esclavage économique face à la Chine. Cela a aussi un impact indirect concernant la fabrication. En bloquant les mouvements de fret à cause du COVID, en espérant imposer le retour des usines en local... cela ne peut qu'encore une fois réduire la capacité de livraison, ou tout simplement inciter les usines à produire moins pour ne pas trop stocker.
Il faut bien raisonner ainsi:
- Plus on produit, plus on réduit les coûts
MAIS
- Si l'on produit trop, on stocke en attendant les ventes. Et stocker ça coûte TRES cher.
- Si l'on vend alors pour vider les stocks, on peut être amené à passer d'une économie de pénurie (demande > stock), à une économie d'abondance (stock > demande). Dans le second cas, on n'a plus de raison d'imposer le prix fort. Les clients demanderont une baisse du prix... donc de la marge. C'est pour ça que Mittal a, il y a quelques années, mis à l'arrêt des hauts fourneaux en France. La demande chinoise en acier ayant baissée, le fait de faire tourner l'usine créait un stock dont la valeur à la vente sur le marché le rendait non rentable, voire vendu à perte!
Je ne pense pas trop qu'il y ait globalement une tentative politique de pénurie organisée. Certains l'ont fait (Sony avec sa PS2), mais là, dans une époque où la COVID peut amener à bien pire que ça l'est déjà, les industriels ne veulent surtout pas perdre de temps, et encore moins rater l'occasion d'engranger des capitaux rapidement. Prenons le cas des consoles next-gen: MS et Sony aimeraient pouvoir répondre à la demande. Nvidia aimerait pouvoir fournir ses cartes. Si cela tarde trop à se faire, il y aura alors forcément des soucis avec le concurrent direct. Vous voulez un exemple?
- MS et Sony se tirent la bourre. Si MS arrive à produire bien plus et donc bien plus achalander les étalages, cela pourrait inciter les consommateurs à prendre la xbox truc muche à noël plutôt que la PS5. Cela peut devenir un achat impulsif pour le cadeau du petit dernier!
- Si les fabricants de CG s'adossant à la gamme 3xxx traîne trop à fournir et livrer les cartes, la nouvelle génération de Radeon pourrait fort bien tirer son épingle du jeu... surtout si elle est bien plus disponible!
Donc pour moi, certains jouent sûrement la pénurie (les gratteurs de fonds de tiroirs que sont les revendeurs qui se gavent en trustant les tarifs des produits rares), mais la majorité des industries, elle, n'a aucune raison de jouer à la roulette russe, surtout dans une période d'incertitudes.