L'absurde? C'est la guerre elle-même. Ce qui est hélas terrifiant et encore plus ironique que le reste, c'est que quelque soit le régime politique en place, les masses confient le destin de la patrie à un sérail de politiques qui, pour la plupart, appliquent la méthode Coué pour ce qui est des possibilités de victoire. On peut prendre n'importe quel régime à n'importe quelle époque, les armées se sont constituées sur la conviction populaire de la nécessité de tenir les armes contre un ennemi réel ou supposé.
Le nationalisme pollue systématiquement le débat en teintant de souillure le patriotisme. Se déclarer patriote, c'est aimer sa patrie, alors qu'être nationaliste c'est la croire supérieure aux autres. Une fois les idéologies populistes et digestes instillées dans l'opinion publique, il en devient plus facile de mener à l'abattoir des milliers, si ce n'est des millions d'êtres. Pour moi le pire, c'est que dans la masse seuls quelques uns sont des convaincus, mais ils suffisent à entraîner les autres dans leur sillage. On se souviendra que les partis les plus mortifères sont parvenus à convertir des gens pourtant supposés intelligents et modérés à la haine d'autrui. On se souviendra en outre que cette masse a alors encadré ceux qui se voulaient modérés, voire qui étaient contre ces combats.
Le pacifisme est la plus belle des idéologies, tout en étant dans le même temps la plus inefficace des doctrines. Suis-je contre la guerre? C'est une évidence. Dois-je croire pour autant qu'elle peut disparaître? En demeurant purement humain on le sait au fond de nous, c'est un fantasme que d'y croire. Cela ne veut pas dire qu'il faut oublier le pacifisme, et je dirais même tout au contraire. Etre soldat ce n'est pas être pour la guerre, c'est prendre la responsabilité intime d'être prêt à défendre cette paix contre tout ce qui pourrait menacer la patrie. Cette nuance amène, malheureusement, à ce qu'on en pervertisse le sens avec, encore et encore hélas, une dialectique adaptée. "Patrie en danger", "gloire des trois couleurs"... Il y en a de ces formules qui, avec le recul qu'on a sur le passé, se sont révélées être des constructions toxiques faites pour persuader les réticents à prendre les armes.
On se doit de s'interroger sur notre passé, tout comme sur notre présent au sujet de l'usage des armes et de l'envoi de soldats. On est face à des dilemmes insolubles, et la plupart du temps la question tient en quelques questions sensibles. "A-t-on envoyé en pure perte des soldats à l'étranger? Si on ne l'avait pas fait, était-ce cautionner les atrocités? Et les conditions d'engagement permettaient-t-elles réellement une victoire? Et surtout... pourquoi?
Ce diagramme de lecture change notoirement les perspectives.
Prenons l'Irak pour la première guerre.
- En pure perte? Quelque part, c'est une question de point de vue. Après tout, Saddam Hussein est resté en place, cela lui a ôté sa force militaire, mais pour autant on ne l'a pas déboulonné. Et la suite historique dans le pays n'a pas donné un résultat honnête, et je n'ai même pas envie d'analyser tant c'est un désastre humain et politique.
- Insoluble... l'invasion du Koweït ne pouvait pas être tolérée certes, mais curieusement l'occident s'est engagé à fond dans une réplique militaire tant comme signal fort aux autres ambitions territoriales... que pour ne pas voir les ressources être monopolisées. Et ce, peu importe le pourquoi historique/politique local.
- Difficile à juger pour un non initié. Les belligérants ont vendu une armée robuste, quand ils ont eu en face des soldats bien souvent mal équipés, mal dirigés, pour ne pas dire des "clodos" mis là de manière symbolique.
- Une victoire? Anéantir l'armée en face n'a pas démis Hussein, cela n'a fait que permettre une tutelle politique et économique directe et indirecte, à tel point que les USA se sont permis d'inventer un prétexte grotesque pour remettre une seconde couche et éliminer Hussein.
Sur ce dernier point, c'est définitivement la dialectique qui sera la plus assassine. Techniquement j'appelle ça une invasion et un coup d'état. Légalement cela a été une guerre pour défaire un despote et s'assurer qu'il n'avait pas d'armes de destruction massive.