Ayons un poil de compréhension. Je comprends et approuve totalement propos.
Cependant... cependant notons tout de même une chose: on ne trouvera pas d'intérêt à suivre un personnage ordinaire, sans relief ou scories. Le côté psychiatrique/psychologique est nécessaire pour générer non de l'identification mais tout bêtement de la personnification. Dr House (qui me fait marrer plus qu'il m'intéresse sur le fond) a eu un énorme succès parce que justement c'est un misanthrope génial, qui a pourtant pour principale faille qu'il sait aimer mais qu'il fait tout pour se l'interdire. Si l'on avait mis un toubib compétent mais serein aux méthodes ordinaires? Jamais on n'aurait suivi, cela aurait perdu toute saveur.
Autre exemple? La fascination qu'on peut avoir pour les assassins. Les Lecter et compagnie nous fascinent parce qu'ils sont soit présentés comme des génies, soit comme des gens perdus dans la folie. On a alors le confort de se dire "nous ne sommes pas comme ça". Prends un tueur "ordinaire" comme Norman Bates: ce type a tout du fils à papa que tout le monde pourrait aimer, du gars sympathique, alors que c'est un dangereux malade mental. Songe-y: c'est à cause de ça que le film est tellement dérangeant, parce que justement la folie prend alors le visage du voisin, de l'oncle... de n'importe qui.
A partir de là, je reproche essentiellement aux séries et aux films un seul aspect, c'est de trop réduire une pathologie donnée à un seul aspect donné. Rain Man? L'autisme. Lecter? Psychopathie. Sherlock? Sociopathie. Je mets ces termes car ils sont utilisés pour les classer. Le spectateur aime les petites cases, mais là elles sont exagérément étriquées. L'autisme prend des formes très diverses. Les psychopathes sont tous différents car avec des manies/tics/méthodes très différentes. Les sociopathes sont des personnes tellement complexes que bien souvent ils ne sont pas totalement "diagnostiqués".. en songeant que cette classification reste encore trop arbitraire.
Dès qu'on traite des caractères de personnages, les aspects de la psyché ne peuvent qu'être réduits, mais là c'est dans l'excès car trop de gens suggèrent dès lors que ces profils font force de validation. A ce titre, j'ironisais justement sur l'autisme Asperger car on leur donne comme traits premiers une mémoire colossale, des facilités improbables d'apprentissage, et aussi des difficultés pour se socialiser. Rien n'est plus cliché. L'asperger peut revêtir d'autres problématiques, des choses incapacitantes, tout comme elles peuvent être indécelables ou presque. J'avais lu une étude assez intéressante qui avait estimé que nombre de génies antiques et modernes pouvaient assez aisément coller à bien des éléments de l'autisme asperger, mais l'analyste précisait avec justesse que cela n'était qu'une série de cases à cocher, et en rien une certitude absolue. Il avait notamment précisé qu'Einstein avait une capacité énorme à échanger et communiquer, à rendre didactique ses échanges, mais qu'il avait aussi énormément de tics comme par exemple avoir en X exemplaires la même tenue pour avoir des routines et certitudes dans son quotidien. Etait-il autiste? Aucune idée, et je n'ai pas la prétention de la savoir.
Tout ceci interroge énormément notre façon de percevoir les maladies et pathologies psychiatriques. Entre une communication inexistante, des médias prompts à aller dans la simplification frôlant le cliché, et des malades qu'on isole faute d'information et de compréhension, difficile de pouvoir avoir une lecture claire de ce que peut être une personne atteinte.
Oui, je suis tout à fait d'accord avec toi sur le fait qu'un personnage moralement/socialement exemplaire, fût-il charismatique, est difficile à faire accepter à l'auditoire, parce que "trop parfait", "trop mesuré", "trop tiède", donc pas de catharsis, pas de jouissif, pas de défouloir à travers lui.
Personnellement, je suis aujourd'hui trop ancré dans le réel pour avoir la moindre empathie pour des personnages immoraux. Gosse, j'ai passé des heures de rigolade sur Vice City à percuter des motards pour leur faire faire des vols planés, ou rouler sur les piétons.
Mais bien des années plus tard, à la sortie de GTA V, je suis allé, par curiosité, regarder une vidéo découverte du jeu. La 1ère chose qu'a fait le testeur in-game, c'est de boire une canette et la jeter par terre. Figure-toi que ça m'a tellement scandalisé que j'ai immédiatement quitté la vidéo.
Aujourd'hui, même dans un jeu vidéo, les incivilités me scandalisent, alors tu imagines ma réaction face à des personnages de tueurs en série, de mafieux, de proxénètes, etc.
Au fait, je n'ai jamais regardé le moindre film de Hitchcock (quelques vagues souvenir d'enfance de la cabine téléphonique des oiseaux, mais sans plus), pas regardé Dexter non plus, difficile de me faire une idée. Sinon j'ai bien regardé le Parrain 1 et 2, ou encore Scarface, et je trouve - ça va en surprendre plus d'un - que ces films sont des échecs. S'il est indéniable que Coppola est un incroyable esthète, sa dénonciation de la mafia avec du subliminal et de la critique indirecte est contre-productive. Le nombre de gamins/adultes qui admirent Vito et Michael Corleone est assez effrayant, les seuls qui comprennent vraiment le message (très fin) que le réalisateur essaye de faire passer sont minoritaires et n'ont de toute façon pas besoin de ce message. Pareil pour Brian de Palma. Quel genre de gamin se rend compte que De Palma se moque du personnage de Montana lorsqu'il lui fait manger le citron du rince-doigt ? La plupart des gosses ne voient pas en Tony Montana un raté voué à l'échec total (tue de ses propres mains son seul ami fidèle, pour juste après mourir d'une mort violente), mais un héros tragique modèle de persévérance qui a failli réussir.
Sinon, pour ce qui est du traitement de la psychiatrie dans les films/séries, ce qui me pose principalement problème, c'est la désinformation du public via les amalgames, exagérations et mensonges qui sont véhiculés. Pourquoi est-ce que cela m'insupporte ? Parce que c'est directement responsable de stigmatisations qui, elles, sont bien réelles.
Par exemple :
- Aujourd'hui, lorsque quelqu'un (de non-instruit) découvre que l'une de ses connaissances est bipolaire, son premier réflexe va être de conclure que la personne est
"un fou, un dangereux psychopathe".
(ce qui est complètement faux et grotesque)
- Si un agent de la Poste apprend que son collègue Martin est a été diagnostiqué schizophrène, c'est donc que
"Martin est facteur le jour, boucher la nuit" (ridicule !)
Conséquence : tous les collègues de Martin le fuient comme la peste => stigmatisation, rejet, isolement, solitude = exactement le contraire de ce dont Martin a besoin.
Je pourrais expliquer en quoi consistent la schizophrénie, la bipolarité, ce qu'est un "psychopathe/sociopathe" etc. , et remettre les choses dans leur contexte réel, loin du spectaculaire et de la fiction, mais bon mon pavé est déjà bien long...
Sinon, pour ceux qui se demandent, l'autisme n'est pas un trouble psychiatrique. Dans ses formes les plus prononcées c'est au pire un handicap, mais ça n'a pas vocation à être soigné, étant donné que ça n'est pas une maladie. C'est en partie pour ça que je n'aime pas quand certains prennent la liberté de dire à d'autres qu'ils sont autistes pour les faire complexer.
@job31 : C'est quand même dingue que les gens discutent de ça (le suicide) avec une telle désinvolture, devant tout le monde... Ça montre aussi à quel point les gens non concernés n'ont pas la moindre idée de ce que cela implique, du cheminement derrière. Il y a vraiment un besoin d'éduquer la population générale sur ce genre de questions...