Matrix résurrections
C'est une vraie curiosité morbide qui a été la source de mon envie de le voir. Pourquoi morbide? Parce que j'avais enterré la franchise dès le deuxième opus en disant clairement "votre foutoir new-age pseudo intello... ça ne fait pas sens".
C'est donc méfiant et perplexe que je me suis installé dans le canapé pour observer le résultat... et force est de constater que je n'ai pas été déçu.
Si l'on se préoccupe du scénario, c'est majoritairement du plâtre collé grossièrement sur une façade déjà largement lézardée. C'est du "comment faire pour que cette résurrection fasse sens". La réponse est simple: c'est infaisable. Les enjeux sont ineptes, l'exécution au mieux incohérente, et le tout tellement flou et instable que cela devient un vrai jeu à boire que de détecter les absurdités de chacune des décisions prises. Sans rien divulguer du scénario, il est évident de saisir que Neo et Trinity ont été soit maintenus en vie, soit ressuscités par les machines. Rien que ça, juste "ça", c'est une aberration totale! Pourquoi un environnement omnipotent et plus ou moins omniscient prendrait le risque de préserver les pires anomalies jamais vues dans leur propre fonctionnement? Par analogie, ce serait dire "je vais maintenir des gens atteints par la peste, on ne sait jamais ça pourrait bien servir tôt ou tard".
Encore plus grotesque: puisque les âmes sont numérisées dans la diégèse du film, pourquoi risquer de faire "vivre" Neo alors qu'il suffit d'en faire un backup et le maintenir ainsi inerte?
Pire que tout: puisqu'on peut faire revivre des personnes, il n'y a plus aucun enjeu! La "résistance" pourrait dès lors faire une sauvegarde de quiconque, incuber cette personne et donc s'affranchir de toute forme de menace de la part de la matrice. C'est le concept même de Altered Carbon soit dit en passant avec les constructs...
Il faut donc réellement serrer fort les dents pour laisser passer cette idée et accepter ce qu'il se passe. Personnellement? Je n'ai pas réussi je me suis trimballé cette réflexion tout au long du métrage.
Esthétiquement, c'est du matrix, donc comprendre du "je veux avoir du style et esthétiser à outrance chaque pas/geste/tenue". Cela a eu son impact il y a 25 ans (1999!) mais le gothique a fini pour ainsi dire aux oubliettes. J'ai déjà entendu le coup du "ça permet de lire plus facilement qui est le gentil ou le méchant". C'est idiot. Le premier matrix introduisait déjà le concept du changement à travers le fait qu'un agent pouvait s'approprier n'importe quel corps. Donc... c'est éculé, et un peu d'imagination aurait été de bon ton pour moderniser et même réviser le fonctionnement de cet environnement. Et il y a pire. Le film lorgne de manière terriblement grossière vers des films de genre, au point qu'on pourrait extraire certaines scènes et les intégrer à d'autres métrages sans que cela se remarque outre mesure. Non mme/mr Washo truc, faire une course poursuite façon film de zombies ne rend pas la scène cool, c'est simplement hors-sujet.
Sur le jeu d'acteurs? Matrix n'a jamais brillé par l'intensité du jeu. Reese/Neo était systématiquement glacial, lisse visuellement, et les rares émotions jouées étaient volontairement outrées pour tenter soit d'émouvoir, soit émoustiller nos réflexions sur l'essence même de l'humanité. Le meilleur acteur de la trilogie (avant cet opus donc) ? le traitre du premier! Il avait ce côté cynique, désabusé, et son sourire déprimé reflétait réellement le fond d'une âme épuisée de lutter en vain (scène du restaurant avec l'agent). Dans cette résurrection (que j'appelle personnellement nécrophilie) les acteurs sont engoncés dans des rôles finalement unidimensionnels, et seule Trinity affiche nettement un fond délicat et même blessé. C'est le personnage qui donne un tant soit peu envie de se préoccuper de son devenir. Tout le reste est alors plat... et c'est déprimant de manque de présence.
Mentions "spéciales"
Les clins d'oeil et rebonds pour tenter de rappeler que le tout appartient à une tétralogie donneront au connaisseur un petit sourire au coin des lèvres, et celui qui n'est pas amoureux de la trilogie sera plus circonspect. Certains personnages réapparaissent d'ailleurs avec d'autres visages. Dans la diégèse rien de choquant en soi vu qu'on parle de personnages qui sont des programmes.... Enfin en principe. Je vous laisse le loisir de comprendre pourquoi j'ai ajouté cette mention du "en principe".
Autre mention "spéciale" aux musiques... où strictement rien ne m'a marqué! Le premier était colossal par ses références... là rien, nada, que les thèmes à peine revisités... Un drame auditif.
Et la fin.... Quelle fin?! Elle dure des plombes comme pour les autres épisodes, elle n'apporte aucune conclusion. La pseudo révélation qu'elle amène provoque surtout une réaction épidermique qui est "mais si c'est ainsi, ça veut dire que tout le merdier des trois autres n'a strictement servi à rien!"
La fin est ouverte et c'est une énorme idiotie scénaristique.
Ce n'est pas un naufrage. Je suis très critique non par le format et les effets qui sont maitrisés. Il y a de la compétence et des moyens, ça rien à redire. Si l'on reste complètement ouvert sans se préoccuper de la cohérence, ça peut passer sans trop grincer des dents. Par contre, toute personne tenant un tant soit peu compte des antériorités et des bases de cette histoire, c'est un carnage. Je ne suis pas du tout un fan de la trilogie, ce qui fait de moi un spectateur qui n'est pas la cible de ce quatrième volume. Pourtant, cela aurait pu être très intéressant, mais certainement pas dans cet état. Il y a matière à faire des choses passionnantes dans le concept de la matrice, mais pas comme ça.